samedi

Chronique d'une tempête


En ce lendemain de tempête, les feuilles mortes se ramassent à la pelle.

Hier, il n’y avait que les inconscients, les (vrais) photographes, et ceux qui ne POUVAIENT faire autrement, qui ont mis le nez dehors.
Tempête.
Déjà, dans la nuit, le tonnerre avait sérieusement grondé. Vraiment. Vraiment beaucoup. Du fin fond de ma chambre, pourtant très éloignée de la rue, et malgré le double vitrage, j’avais entendu quelques petites choses voler… pots de fleurs, panneaux d’interdiction de stationner (il y en a un temporaire devant mon immeuble), enfin, des broutilles, quoi.
Mais au chaud, sous ma couette… « demain serait un autre jour ».
Sauf que.
Sauf que quand je me suis levée et ai ouvert les volets, j’ai compris que la journée allait probablement être difficile.
Le vent ne s’est pas calmé. Loin s’en faut. Lui qui, normalement, est supposé faire son boulot –à savoir pousser les nuages- n’a rien fait. La pluie était là. Et bien là. Pas une bruine ou un crachin, ennuyeux certes, mais qu’un parapluie arrive à gérer. Non, la vraie, la grosse pluie, insistante et lourde. Pas de répit. Ou si peu que pas.

Les leçons de physique apprises l’année dernière m’ont poussée à rester chez moi. Si j’ai eu à un moment l’idée saugrenue de sortir voir « la » chose, les informations, les vidéos et autres photos de mes amis facebookiens m’en ont dissuadée.
Je peux être courageuse, mais ne suis pas téméraire.
L’eau a donc commencé à monter, monter, monter… et, pardon pour tous ceux qui ont eu leurs maisons inondées, mais j’arrive à le concevoir. Par contre, j’ai du mal à comprendre que le niveau de la mer monte à un tel point que les quais puissent se transformer en piscines à débordement. C’est la mer !
C’est beau une piscine à débordement, sauf que quand un chalutier –et/ou un thonier- (fond plat) se mettent davantage à flirter avec la rue qu’avec leur élément naturel, ça me dérange quelque peu.
Je ne suis donc pas sortie, me contentant de regarder photos et vidéos, les yeux écarquillés.
J’ai pensé à nos sauveteurs en mer qui à tous les coups ont dû sortir : il y a toujours quelqu’un qui se croit plus malin que les autres.
J’ai pensé à nos marins, ceux qui n’ont pas eu le temps de rentrer au port, malgré les prévisions météo, et qui se sont retrouvés dans la tourmente.
Cher payé le poisson.
Je suis restée au chaud, douillettement enveloppée dans ma couverture… mais ce matin, je n’ai pu m’empêcher de descendre sur les quais.
Les feuilles se ramassent à la pelle.
Le niveau de l’eau a baissé. Pas beaucoup. Mais il a baissé.
Le vent souffle. Il ne fait toujours pas son boulot. Les nuages sont restés. Quoique, quand je dis « nuages », c’est un euphémisme. Le ciel est un immense nuage. Gris. Désespérément gris et sombre.

Je suis allée au Môle. Les vagues se brisent contre la jetée, et partent en feux d’artifice. Contrairement à hier, elle n’arrivent pas à passer par dessus le brise-lames.
Les gabians (ndlr : grosses mouettes) restent imperturbables.
Il commence à pleuvoir.
La mer commence à lécher le quai.
Un chalutier part, emportant ses pêcheurs.
Le vent s’est levé, mais il leur faut tenter de vivre*.


*Je demande pardon à Paul Valéry pour avoir malmené sa poésie. 








mercredi

Chronique picturale -Epilogue-


J’avais promis une chronique sur les visiteurs. Il est temps.
Alors, s’il existe les « brèves de comptoir », je ferai les « brèves de musée » et pardon pour la succession des anecdotes.

Un monsieur entre dans la salle de l’exposition. 1ère salle.
- Où est la sortie ?
- …
- J’en ai vu assez !
Et de traverser le musée au pas de course.

Une guide –je le précise, pas celle du musée (très important) - encadrant un groupe de touristes :
- Vous voyez, ici, il y a de l’espace qui est vide, sans être vide, mais qui n’est pas vide.

- C’est vous qui êtes là pour la visite ?
- Non monsieur
- Ben vous servez à quoi, alors ?
- Je suis là pour surveiller les tableaux, monsieur
- Ben, vont pas partir, les tableaux ! vous servez à rien, alors !

Après un renseignement donné à un visiteur :
- Merci Mr Valéry.
- Mais je ne m’appelle pas Valéry
- Ben, c’est marqué sur votre polo…
(nous avons des polos avec le logo « Musée Paul Valéry »)

Dans le même esprit, nous avons eu un « merci Paul ».

Il faut savoir que les photos sont interdites pour l’exposition temporaire, les œuvres n’appartenant pas au Musée. Question de droits d’auteur, question de… peu importe, c’est interdit.
Donc, dans la série « excusez-moi, monsieur/madame, mais les photos sont interdites au 1er étage », nous avons :

- Je me prends en photo

- Je sais, mais en bas c’est marqué avec un appareil photo, mais pas avec un portable.

- Je ne prends pas de photo, je filme

- Je prends mes enfants, ce n’est pas marqué qu’on ne peut pas photographier ses enfants !

- A cause de vous, je n’ai pas pu prendre le tableau en entier !

- Je prends en photo mes enfants, c’est pour l’ambiance…

- Je ne prends pas en photo, c’est pour « agrandir ».

- C’est égoïste. C’est inadmissible !

- Mais puisque c’est la Journée du Patrimoine, les photos sont gratuites, non ?

- Il y a un arrêté préfectoral autorisant les photos.

Quelques petites choses aussi, concernant les enfants. Laissés en électrons libres… le musée étant au choix, la cour de l’école, un terrain de jeu (avec possibilité de jouer au ballon), ou un centre aéré.

- Mais alors, ici, chaque parent doit surveiller son enfant ?

- Mais j’ai payé !
- Madame, votre enfant hurle depuis 5 bonnes minutes. Relayez-vous, avec votre mari.
- C’est inadmissible ! J’AI PAYÉ !

et ce parent à qui on demandait de tenir son enfant (moins de 3 ans)
- Je n’ai pas pris ma laisse !
Là, j’avoue avoir trouvé la parade, en leur disant qu’ils avaient leurs épaules.

Bien entendu, nous suivons aussi les groupes des visites guidées. Outre le fait que des personnes puissent s’approcher des œuvres et ainsi les toucher, involontairement, nous évitons les « incrustes » car tout de même à 1€ la visite, qui dure une heure, c’est une ruine.
Chacun de nous avait sa technique. Pour ma part, en fonction du moment de l’incruste, je variais mon discours.
Au début de la visite, je demandais "s’ils voulaient en faire partie…"
Au milieu du circuit, c’était "vous verrez mieux quand le groupe sera parti"
Et à la fin, "qu’il y avait une vidéo, très bien faite, qui leur donnerait une idée de l’exposition".
Sachant que 70 œuvres étaient exposées, il y avait de quoi faire.

- Mais c’est la visite qui me suit.

- J’ai mal au genou, ça m’aide à comprendre.

- Mais si je ne parlais pas français, je ne comprendrais rien !

Et dans le même esprit…
Hochement de tête (je ne comprends pas ce que vous me dites).
Nous disons donc la même phrase en anglais.
Hochement de tête (je ne comprends pas ce que vous me dites)… « japonais ».
Et notre gardienne de dire une phrase en japonais… et le visiteur de répondre en français.


Nous avions donc un film. Une vidéo, comme je l’ai dit, fort bien faite –ce qui est étonnant- (même les enfants étaient intéressés –c’est tout de même une preuve !-) sous-titrée en anglais.

Un monsieur parlait très fort. Gênant.
- Pourriez-vous parler moins fort, s’il vous plaît ?
- Pourquoi ? puisqu’il y a des sous-titres.
- Certes, mais les sous-titres sont en anglais.
- Mais il y a des sous-titres !

Et puis en vrac…

Un monsieur qui avait enlevé ses chaussures (ce qui est courant, si si) et à qui nous demandions de les remettre.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est une question de correction, c’est normal.
- Mais qu’est ce que la « normalité » ? hein ? qu'est-ce que la normalité ?

- Ce sont des originaux ? (curieusement, cette question nous a été posée à de nombreuses reprises)

- Ils valent combien, les tableaux ? plus de 1000€ ?

- Elle est où, la Joconde ?

Une femme affolée..
- Vous avez vu Patrice ?
(j’avoue que je suis restée perplexe sur cette question, et encore plus de la tête de cette femme devant mon air ahuri)

Une femme bouleversée…
- Mais c’est moi, ce tableau !!!
(…heu…comment vous dire… le matin au réveil, peut-être ? et encore… -je n’ose mettre la photo du dit tableau-)

Ce monsieur ayant décidé de descendre au rez-de-chaussée du musée en glissant sur la rampe d’escalier…

- Madame, ne touchez pas aux tableaux, s’il vous plaît !
- Ah ben non ! mais je ne les touche pas tous, vous savez !

Enfin, nous avons eu quelques petites choses supplémentaires, dues à ce 1er dimanche du mois (le musée est gratuit –sauf l’exposition temporaire-, les magnifiques journées Paul Valéry (3 jours) cadrant avec la journée du Patrimoine. Notre record : 1500 personnes en ce beau dimanche ensoleillé.
Bien évidemment, outre notre fonction de surveillance, nous avons aussi celle de bureau de renseignement.
- L’exposition Miró, c’est par là, Madame, au 1er étage.
- Non, mais je veux faire pipi !
- Et bien, c’est pareil, c’est la même direction.
- Je veux faire pipi… et peut-être même caca !

Eh oui, le genre humain est très… « varié ». Je pense qu’il vaut mieux le voir ainsi.

J’ai quitté le musée, et suis partie en même temps que Miró. Etrangement, ça m’a fait bizarre de quitter ces toiles qui ne m’appartiennent pas. C’est comme ça.
Je resterai malgré tout avec la pensée de ces enfants dessinant par terre, refaisant les tableaux de Miró, avec plus ou moins de bonheur (mais après tout, j’en ai fait autant !) et leur imagination débordante.
J’ai aimé entendre ces titres :
« Le jongleur des étoiles »
« Le A qui danse »
ou « La danseuse dans les nuages ».

Ces chroniques sont dédiées à Juan et Juanita, deux oisillons nés le jour du vernissage.

samedi

Chronique picturale - 2 -

Deux mois de cohabitation avec Miro sont maintenant passés.
Je traverse ces 9 salles et continue de découvrir plein de choses. Sauf que je n'ai plus besoin d'un enfant pour le faire.

Beaucoup de visiteurs (une chronique leur sera dédiée… si, si… ils en valent la peine), et des moments de calme, qui me permettent de regarder de plus près ces oeuvres auxquelles je n'aurais accordé qu'un oeil relativement distrait en temps "normal".
J'ai un petit carnet (j'aime bien les "petits carnets"), sur lequel je note les anecdotes et autres facéties, mais sur lequel je me suis mise à dessiner les tableaux… que j'ai sous les yeux.
La découverte est étonnante. Je sais que je m'étonne d'un rien, mais tout de même.

Je me suis dit qu'il fallait que je trouve le point de départ de "sa" peinture.
Une idée comme une autre. Ça occupe.
Sauf que. Une fois que le « point de départ » est trouvé, tout le reste devient évident.
Il devient évident qu'un trait -ou un point- devait être "là" et pas ailleurs, pour l'équilibre du tableau.
Il devient évident que ce "machin" est une femme et non une mouche bizarre.
Il devient évident que « là », il doit y avoir une couleur… mais laquelle ? et, oui,… c'est l'art du peintre de savoir que c'est ce bleu, ou ce rouge, et pas un autre, qui mettra en valeur le jaune ou le vert qui est à côté et inversement.
Je regarde donc d’un peu plus près les tableaux, et c’est surprenant.
Ainsi, deux aquarelles encadrant un passage entre deux salles. Enfin, j’ai cru qu’il s’agissait de deux aquarelles. Il n’y en avait qu’une. Mais l’autre avait un fond si semblable à la première que je me suis trompée. C’était une huile, pas de la gouache. Et on peut toujours chercher de l’eau, il n’y en a pas une goutte. Mais les teintes sont pourtant identiques.
Et ainsi de suite.

En essayant de comprendre l’évolution de la peinture de Miro, en bonne néophyte que je suis, l’exposition n’étant pas faite de façon chronologique –ou très peu-, j’essaie de retrouver quel tableau a été peint avant l’autre.
Jusqu’à présent, je me débrouille plutôt bien, et j’avoue en tirer une satisfaction proche d’une fierté qui n’a pas lieu d’être.
Il y a des évidences et parfois des incohérences (ce terme n’engageant que moi !) qui me laissent perplexe…  alors, je les note sur mon petit carnet, et continue de chercher (ma guide préférée est actuellement en vacances, mais elle se fera un plaisir de répondre à mes questions, ou, de guerre lasse… finira par me prêter un livre spécialisé !).

Miro n’est toujours pas ma tasse de thé, mais l’étudier est fascinant. Laisser aller son imaginaire, se laisser porter… et comme m’a répondu cette petite fille de 8 ans :
- mais alors, madame…l’imagination, c’est sans fin !


mercredi

Chronique picturale - 1 -

Voilà donc un mois que je côtoie mon peintre surréaliste qui n'était pas surréaliste.
C'est lui qui l'a dit. Et voulu. Moi, je n'y connais rien, je suis donc d'accord. 
Et, fondamentalement, si ça lui faisait plaisir de ne pas en faire partie, des surréalistes, ça ne me dérange pas plus que ça, le résultat est là.
… "ce que nous appelons rose, sous un tout autre nom, sentirait aussi bon"… 
Il n'empêche que je me régale.

Je dois quelques explications. 
Je me promène donc, 7 heures par jour, au milieu de quelques 70 oeuvres d'un artiste "non-surréaliste" dont je ne suis pas fan. A priori.

Je découvre… et envisage ce que peut être l'in-envisageable. Et encore, j'en suis loin.

Certains (j'ai été la première) diraient qu'un enfant peindrait comme ça.
Non, pardon… un truc du genre "non, mais franchement, c'est du n'importe quoi, ça! mon môme, il ferait mieux !"
Sauf que. Sauf que c'est loin d'être évident. Très très très loin.
Il faut prendre le temps. J'avoue : moi, je l'ai. Le temps.

Je suis désolée pour les enfants, mais ils ne sauraient pas faire ce fondu de vert-je-sais-pas-moi… si fin et si lisse (et non, monsieur, ce n'est pas l'éclairage du musée qui fait "ça").
Je suis désolée pour les enfants, mais ils ne sauraient pas faire ces ronds si ronds que je me demande encore s'ils n'ont pas été faits au compas (merci de ne pas approcher la toile… ).
Oui, bien sûr, les enfants pourraient peindre sur n'importe quel support (ne touchez pas s'il vous plaît), que ce soit du contreplaqué, de la toile de jute, du papier beurk, de la masonite (et hop, on va chercher sur internet ?!), de l'eau forte, ou encore de la toile (youpiii, ça c'est normal !). 
Et puis, oui, les enfants pourraient aussi faire des "tests", mélanger des matières pour voir ce que ça donne. L'aquarelle, le fusain, les pastels, l'encre de Chine, l'huile, tout… 
Bien sûr.
Sauf que. Sauf qu'il n'y en a pas beaucoup qui le font.

Il faut être juste : le bonhomme savait peindre.
Peu importe qu'on apprécie ou pas le "résultat". Le fait est là : il savait peindre.

Oui, je me régale.
Je me régale de voir des choses différentes chaque jour.
Je me régale d'entendre les enfants donner leur titre à un tableau "sans nom". J'en ai plus de 30.
"Le clown jongleur", "Le jongleur qui danse", "La danseuse dans la nuit", "Le lutin à l'étoile"… et j'en passe…
Ce sont les adultes qui ont trouvé : "La cafetière", "Le marteau", ou "Le fauteuil"… 
Personnellement, je ne suis pas trop mécontente de mon "Clown jouant au bilboquet". Il doit me rester un peu d'enfance quelque part.
Mais tous ces titres se valent. Aucun n'est mieux que l'autre. Chacun a donné le titre de ce qu'il y voyait.
Il est juste possible qu'il y ait plus de poésie dans les yeux des enfants que dans les nôtres.

Essayer d'oublier le concret, et laisser le rêve prendre sa place. 




mardi

Chronique picturale


Bon, il faut être franche : je n’ai jamais été particulièrement attirée par l’Art dit Contemporain ou dit Abstrait.
Quelques œuvres, de Picasso, de Dali, des sculptures de Giacometti… mais au-delà de ça, je cherche.

Il se trouve que je suis, pour un peu plus de 5 mois, gardienne dans un musée. Le temps d’une exposition : Miro.
J’aurais préféré les impressionnistes, mes chers impressionnistes, mais bon, c’est comme ça, c’est Miro.
Je connaissais (de loin) le style de l’artiste. Là, j’allais pouvoir me demander, pendant 5 mois, ce qui lui était passé par la tête quand il avait peint ses toiles.

C’est un enfant qui m’a ouvert les yeux.


Cette toile, intitulée « Silence » (pour ceux qui n’auraient pas trouvé le pourquoi des lettres) a été peinte en 1968.
Visite « pédagogique ».
Une vingtaine d’enfants d’environ 7 ans, assis par terre, écoutent la guide avec un intérêt étonnant.
 Qu’est-ce que vous voyez, encore ?
J’écoute et regarde. L’œil amusé et… oui… intéressé (une gamine avait trouvé « Silence » quand même !).
Et là, un petit dit :
 Là, en bas, à droite, il y a des notes de musique !
Et mes yeux se sont écarquillés. Là où j’avais vu un personnage courbé, lui avait vu des notes de musique. Ce qui pouvait avoir une certaine résonnance… de la musique, dans le « silence ».

1968. Mai. Des personnages courbés. Le rouge. C’est possible aussi. 
Mais.
Je reste avec ce « mais », cette interrogation dans ma tête.
Je me suis mise à regarder les œuvres avec un regard différent. Peut-être pas celui d’un enfant. Mais différent.

J’ai 5 mois… et tout le temps qui me restera après ces 5 mois, pour découvrir –ou pas- des choses qui m’étaient inconnues.

mercredi

Chronique…singulière

Cela faisait un moment que je voulais y aller.
C’est vrai, quoi, j’aime la photo. Mais je ne sais pas... une certaine langueur ou tout simplement cette fâcheuse habitude que j'ai de procrastiner m'a fait rester à la maison. Et puis, il commence à faire vraiment chaud.
« Images Singulières ».
C’est joli comme nom. Ajouter qu’il s’agit d’un rendez-vous photographique est… vrai.
On y rencontre « la photo ». Des photos. Tellement plus que des images.

Un hasard m’a emmenée dans un coin "reculé" de Sète. Les Chais des Moulins. 
En fait, il n’est pas si reculé que ça, sauf… sauf qu’il faut y aller. C’est tout.
J’ai aimé ce hasard qui m’a fait me garer, entrer et voir une partie de cette exposition Là, le thème était l’Egypte.
Pour être franche, je m’attendais à voir des pyramides, des chameaux, bref, l’Egypte comme on a, comme j’ai, l’habitude de la voir.
J’ai eu tout faux.
Plusieurs artistes offraient leurs visions du pays.
Moi, j’ai aimé cette série « Mères et Fils ». De la tendresse et de la force. Qui est soumis des deux ? je ne saurais le dire.
Et ça m’a laissé un goût de trop peu. Un goût de "va voir ailleurs"… et je suis allée ailleurs. Parce-que les "Images Singulières", elles sont partout, à Sète.
Je suis allée au Théâtre de la Mer. Autre chose. Autres thèmes. Autre vision.
Un seul photographe. Il paraît qu’il est célèbre. Je l’ai lu sur la brochure. Je n’y connais rien en photographe. 
Et puis, j’ai vu. C’était criant d’émotion et de sensibilité.

Des "images" qui n’ont rien d’images, et finalement, je ne sais même plus si c’étaient des photos, tant le rendez-vous avec la vie était là.







lundi

Chronique d'une escapade


Le Larzac.
Encore une région de France qui est très… verte.
Comme de bien entendu, pour un trajet prévu d’1h30, j’ai mis 5h. C’est normal.
J’avais bien pris la N999.
Sauf qui fallait la prendre à gauche et non à droite. Moi, j’ai pris à droite. Et j’ai roulé.
Puis j’ai eu faim. « ah non, trop tard ! » Il fallait s’en douter, il était 13h30, et dans les petits patelins, les cuisines, elles ferment tôt. Je reprends donc ma voiture et continue ma route.
Normalement, j’aurais dû être à destination depuis 1 heure.
- Pardon, madame, je cherche Saint-Jean de… (regard sur le portable…les noms compliqués, moi, je ne retiens pas).
- Ah, ben il faut que vous fassiez demi-tour, mais vous zêtes pas rendue hé !
Le « zêtes pas rendue » voulait tout dire. 3 mots. 3 heures.
J’ai donc fait demi-tour, et au premier bourg, je me suis arrêtée à la terrasse d’un restaurant, qui lui, servait encore des clients à 14h passées.
De façon tout à fait accessoire, j’ai redemandé mon chemin. Sait-on jamais.
Il n’y a qu’une route, mais beaucoup d’embranchements. Toute la nuance est là.
Charmante, la serveuse m’explique.
« Direction Sainte Eulalie, les Caves de Roquefort, ah non, il ne faut pas les dépasser… mais ce n’est pas très loin »
Tout est relatif. Et visiblement, je n’ai pas l’exclusivité de cette notion.
Je suis restée perplexe quand je me suis retrouvée face aux panneaux Ste Eulalie à droite et Roquefort à gauche. Pile ou face. J’ai pris face, j’aurais du prendre pile.
Et j’ai roulé. Et le "pas très loin" étant devenu, à mon goût, un peu long…
- Pardon, madame, je suis désolée de vous déranger, mais pour être franche, je suis complètement perdue. Je cherche Saint-Jean de…
Ah, Saint-Jean de… c’est dans cette direction (… faites demi-tour dès que possible…), au carrefour, vous prenez à droite, vous suivez la ligne de chemin de fer, vous arrivez à un embranchement et vous prenez encore à droite et vous y êtes. Mais vous savez, c’est normal, c’est difficile à trouver pour ceux qui sont pas du coin… c’est pas indiqué !
Mon honneur est sauf. J’arrive enfin à destination. 5h de route, de verdure. Et aucune « découverte » au milieu qui aurait pu alléger ma souffrance. Rien.
La chambre ne serait prête que dans 1h. Sur les conseils de mon hôte, Sainte Affrique étant à côté, me revoilà partie… mais avec la prudence du Petit Poucet en plus.
Curieusement, en occitan, c’est Sant Africa… pourquoi y avoir ajouté un « f » ?
Un magnifique clocher se détache dans le ciel. Je gare la voiture, traverse un pont superbe, regarde un col-vert descendre la rivière de la Sorgues à la vitesse d’un kayakiste (prendra les rapides ou pas ?). Il a pris les rapides. Eglise close. Fermée le samedi après-midi.
Mais qu’est-ce que je fais là, moi ? E.T. Maison !
18h. Enfin ! Mon gîte… ! Enfin !
J’ai entendu : l’apéritif sera servi à 20h sur la terrasse… et je me suis jetée sur mon lit.
Table d’hôtes. Très convivial. On échange… c’est simple. Mes voisins avaient visiblement vu des merveilles. Oui. Mais où ?.

Après une bonne nuit, très fraiche (en mai, on ne fait plus ce qu’il nous plait),  je me suis dit qu’une fois visitées les Caves de Roquefort, je serai très bien chez moi.
Roquefort.
Il faut repasser par Ste Affrique. L’église est ouverte, nous sommes dimanche, que diable ! 10h du matin, j’arrive en pleine messe. On ne peut pas dire que la chorale soit… le prêche est amusant,  mais voilà que le curé commence à parler des élections européennes. Je me lève et sors.
En remontant dans ma voiture, je vois au loin un petit attroupement. Hop, demi-tour.
Un attroupement peut être intéressant.
Une trentaine de voitures anciennes étaient alignées. Voitures de mon enfance : 4CV, Dauphine, Caravelle, 404, et j’en passe. Juste une petite parenthèse souriante.
C’est dit : je rentre chez moi.

Au premier carrefour, je lis : à droite, « Roquefort », « Abbaye de Sylvanès » (je ne sais plus combien de kms) à gauche.
Il va de soi que je suis allée à gauche.
J’avoue que c’est le rouge des coquelicots au milieu du jaune des champs de colza qui a mis un terme à ma déception.
Pas bien grande, l’Abbaye de Sylvanès. Mais de loin, j’en aperçois le cloître, et moi, j’aime les cloîtres. Il en dégage douceur et apaisement.
J’entre. Un petit groupe chante. Alléluuuhiaaaaa.
Je me faufile pour arriver jusqu’au cloître. Du genre « vous ne m’avez pas vue, ni entendue… ». 
Calme.
Sauf. Sauf une voix mélodieuse… soprano ? soprano légère ? je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que j’ai poussé timidement la porte du scriptorium et ai été accueillie par un « venez, entrez ! »
Il y a des siècles, des abbesses et des moines écrivaient et lisaient dans cette superbe salle voutée. Là, il y avait un piano, un professeur et 3 de ses élèves. Chant lyrique.
Je suis restée à écouter les trois, chanter tour à tour. Ces vocalises, qui me semblaient si stupides, ont pris là toute leur importance. Commencer bas, puis doucement monter, et encore, et encore, et soudain, se rendre compte que la voix prend de la puissance, de plus en plus, et encore davantage, et toujours plus haut…! non, encore une note de plus, et encore plus haut ! mais jusqu’où ? c’est impossible !
- tu te sens comment, là ?
- confortable
- vraiment ? mais tu crois que peux encore monter plus haut ?
- oui
- allez, on tente…
et l'une qui était soprano légère se retrouve colorature parce qu'elle a su respirer, se laisser aller, lâcher prise.
Un don du ciel.

Je suis restée là, sans voir le temps passer. Juste écouter, fermer les yeux et resserrer mon écharpe autour de mes épaules… écouter… avoir des frissons, sans avoir froid.
Quel cadeau.






dimanche

Chronique de la Macaronade


"Celle-là, je ne peux pas la manger…, non, celle-là non plus..."
Notre "champion" sourit. Les deux premiers concurrents ont été mis de côté.

Hier, se déroulait le deuxième Championnat du Monde de Macaronade.

Le jury est toujours (enfin, jusqu'à présent) composé de 8 personnages emblématiques de Sète. Hier soir, il y avait un des adjoints au Maire (indispensable), Aurélien Evangelisti (NOTRE jouteur,incontournable), le gagnant de l'année dernière (normal), deux commerçants ô combien importants (la vendeuse de pâtes des Halles -et elles sont bonnes-  et le boucher de la Corniche -et celui là, il est… -) une libraire, celle de la bien nommée "L'Echappée Belle", une journaliste de Midi Libre,  et, bien sûr… Boule (celui qui a le petit bistrot-restaurant juste en bas de la mairie, et dont les macaronades sont… bref).
"Il y a autant de recettes de macaronade que d’habitants à Sète".

La macaronade est un plat qui se mijote. Longtemps. Non, ce n'est pas une daube avec des pâtes et non, la sauce n'a rien d'une "bolognaise". Alors, les concurrents la commencent chez eux, et l'apportent pour la fignoler, la présenter. La  présentation est une des composantes des 8 notes décisives dont le goût, la sauce (est-elle assez épaisse ?), la brageole (est-elle assez moelleuse ?)… bref, est-ce que l'on a envie d'en prendre et d'en reprendre ?

Comme d'habitude, c'est "La Barque Bleue" qui reçoit. 
La plage est devant nous. Le ciel a décidé d'enlever ses nuages.
Les supporters sont là. Parlant haut et fort. Parce-qu'on parle haut et fort, à Sète.
La mélancolie est restée au placard. Tout est dédié à la fête, on ne peut que rire et s'amuser. Chanter et danser.

Dans une ambiance joyeuse, le jury note, délibère.
Notre "champion" a fini 3ème. Pour une première participation, c'est plus qu'honorable. 
Sa femme hoche la tête : "je lui avais bien dit que sa sauce, elle n'était pas assez… mais bon, il n'a pas voulu m'écouter…"







mardi

Chronique époustoussiflée


Quelle andouille ! mais quelle andouille je suis de n’avoir pas pensé que la carte mémoire de mon appareil photo aurait été saturée. Si vite.

Ce matin, j’ai assisté à l’entrée sous voiles de deux des plus grands voiliers au monde :
Le Krusenstern et le Sedov.
Ce n’était pas magique. C’était époustouflant, impressionnant. C’était… c’était… grandiose !
Ils sont arrivés hier. Ils nous attendaient au large des côtes. Pas loin.
Ils savaient qu’on pouvait les regarder à la jumelle et se rendaient encore plus désirables.
Nous sommes allés à leur rencontre, avons tourné autour d’eux, de l’un, puis de l’autre.
Deux fois quatre mâts tendus vers le ciel.

Et puis, les voiles se sont déployées. Plus de trente. Chacun. Les unes après les autres…
Je les voyais beaux. 
Ils sont majestueux.
Tout doucement, ils se sont rapprochés de Sète, puis se sont préparés à entrer dans le port. Les voiles ont été affalées. Le bateau pilote était déjà là, maintenant, les remorqueurs sont prêts à le prendre en charge.

Lentement. 

C’est alors que je vois les marins, des cadets, grimper, grimper toujours plus haut… 8, 6, 4, 2… : artimon, misaine, grands mâts. Une pyramide légère et fière.
Le Krusenstern entre dans le port. 
Les cornes de brume sonnent, et sur la mâture, debout, les marins saluent. 

Bienvenue à Sète.









Chronique d'une expérience


« Escale à Sète ».
C’est une manifestation sublime qui a lieu tous les 2 ans. Les plus beaux voiliers viennent accoster à Sète, et cette année, ce sera grandiose.

Bien sûr, j’ai proposé mon aide. Il n’y a que des bénévoles.
Après tout, travailler chez moi ou dans un bureau, il n’y a pas grande différence, l’informatique et internet existent.
Bref. Il est évident que j’ai postulé pour de l’administratif et pas dans la sécurité (il y avait plusieurs options)

Ça c’était il y a quelques mois. Depuis… silence.
Jusqu’à la semaine dernière.
SOS, besoin de bénévoles pour aller nettoyer le Môle, de façon à préparer « Escale à Sète ». 
Je n’allais pas refuser. Je m'étais engagée.
Le Môle.
C’est cette grande jetée qui protège le port.

A gauche, le port.
En face, le phare.
A droite, la Méditerranée, mais surtout le brise-lames... ces énormes blocs de pierre (ou de béton) qui cassent les vagues quand il y a du vent, des fois qu’elles voudraient entrer dans le port semer la perturbation. Mais, mais, quand il n’y a pas de vent, ces mêmes blocs de béton accueillent avec bonheur les corps des amoureux, ceux des jeunes (et moins jeunes) fêtards, ou autres amateurs de camping.

Le rendez-vous était à 9h30.
Nous partîmes peut-être 20 et fûmes 20 en arrivant au port.
Café, petites madeleines et jus d’orange. Debriefing. Les détails n’étaient guère nécessaires.
Tee-shirt, gants, pinces et sacs poubelle.
Je me suis trouvée mon coin. Et tranquille, pépère, je me suis attaquée au nettoyage.
D’abord, avec les pinces. Leur précision est impressionnante. Je comparerais ça à ces pinces qui enlèvent les fines arêtes de poisson, en cuisine. Sauf que là, les dites pinces font 1m.
Précision étonnante. Mais ramasser des bouts de verre un à un… c’est long. Donc, je me suis assise, et ai fait mon jardinage.
Sauf que les mauvaises herbes ne faisaient pas partie de la famille des recyclables.

Non, les bouteilles de Vodka (zut, je n’ai pas pu lire la marque) cassées, les cannettes de bière (grande variété), les seringues (même vides), les préservatifs (même vides) et leurs emballages (grande variété également), les tongs, les bandelettes de coton stretch, les couvertures, les bâches en plastique et même un blouson (mais au fait, était-ce un blouson ?), non, définitivement, ça ne fait pas partie de la famille des "recyclables".

J’avais mon petit coin à moi. Mon jardin… pas beaucoup : je dirais 10m de long, sur 40cm de large. A tout casser. 
7 sacs poubelle de 100 litres (pour les bricoles) et 4 voyages pour le très lourd (ça pèse, une bâche pleine de boue).

Mon dos m’a rappelé qu'il existait (ô combien !)
Alors, le prochain ou la prochaine que je vois laisser tomber négligemment un papier par terre -ou autre- (tant pis pour la sélection): je l’explose.