Le Larzac.
Encore une région de France qui est très…
verte.
Comme de bien entendu, pour un trajet prévu
d’1h30, j’ai mis 5h. C’est normal.
J’avais bien pris la N999.
Sauf qui fallait la prendre à gauche et non à
droite. Moi, j’ai pris à droite. Et j’ai roulé.
Puis j’ai eu faim. « ah non, trop
tard ! » Il fallait s’en douter, il était 13h30, et dans les petits
patelins, les cuisines, elles ferment tôt. Je reprends donc ma voiture et
continue ma route.
Normalement, j’aurais dû être à destination
depuis 1 heure.
- Pardon, madame, je cherche
Saint-Jean de… (regard sur le portable…les noms compliqués, moi, je ne retiens
pas).
- Ah, ben il faut que vous fassiez
demi-tour, mais vous zêtes pas rendue hé !
Le « zêtes pas rendue » voulait tout
dire. 3 mots. 3 heures.
J’ai donc fait demi-tour, et au premier bourg,
je me suis arrêtée à la terrasse d’un restaurant, qui lui, servait encore des
clients à 14h passées.
De façon tout à fait accessoire, j’ai
redemandé mon chemin. Sait-on jamais.
Il n’y a qu’une route, mais beaucoup
d’embranchements. Toute la nuance est là.
Charmante, la serveuse m’explique.
« Direction Sainte Eulalie, les Caves de
Roquefort, ah non, il ne faut pas les dépasser… mais ce n’est pas très
loin »
Tout est relatif. Et visiblement, je n’ai pas
l’exclusivité de cette notion.
Je suis restée perplexe quand je me suis
retrouvée face aux panneaux Ste Eulalie à droite et Roquefort à gauche. Pile ou
face. J’ai pris face, j’aurais du prendre pile.
Et j’ai roulé. Et le "pas très loin" étant devenu, à mon goût, un peu long…
- Pardon, madame, je suis désolée de
vous déranger, mais pour être franche, je suis complètement perdue. Je cherche
Saint-Jean de…
- Ah, Saint-Jean de… c’est dans cette
direction (… faites demi-tour dès que possible…), au carrefour, vous prenez à
droite, vous suivez la ligne de chemin de fer, vous arrivez à un embranchement
et vous prenez encore à droite et vous y êtes. Mais vous savez, c’est normal,
c’est difficile à trouver pour ceux qui sont pas du coin… c’est pas
indiqué !
Mon honneur est sauf. J’arrive enfin à
destination. 5h de route, de verdure. Et aucune « découverte » au
milieu qui aurait pu alléger ma souffrance. Rien.
La chambre ne serait prête que dans 1h. Sur
les conseils de mon hôte, Sainte Affrique étant à côté, me revoilà partie… mais
avec la prudence du Petit Poucet en plus.
Curieusement, en occitan, c’est Sant Africa…
pourquoi y avoir ajouté un « f » ?
Un magnifique clocher se détache dans le ciel.
Je gare la voiture, traverse un pont superbe, regarde un col-vert descendre la
rivière de la Sorgues à la vitesse d’un kayakiste (prendra les rapides ou
pas ?). Il a pris les rapides. Eglise close. Fermée le samedi après-midi.
Mais qu’est-ce que je fais là, moi ? E.T.
Maison !
18h. Enfin ! Mon gîte… ! Enfin !
J’ai entendu : l’apéritif sera servi à
20h sur la terrasse… et je me suis jetée sur mon lit.
Table d’hôtes. Très convivial. On échange…
c’est simple. Mes voisins avaient visiblement vu des merveilles. Oui. Mais
où ?.
Après une bonne nuit, très fraiche (en mai, on
ne fait plus ce qu’il nous plait),
je me suis dit qu’une fois visitées les Caves de Roquefort, je serai
très bien chez moi.
Roquefort.
Il faut repasser par Ste Affrique. L’église
est ouverte, nous sommes dimanche, que diable ! 10h du matin, j’arrive en
pleine messe. On ne peut pas dire que la chorale soit… le prêche est
amusant, mais voilà que le curé
commence à parler des élections européennes. Je me lève et sors.
En remontant dans ma voiture, je vois au loin
un petit attroupement. Hop, demi-tour.
Un attroupement peut être intéressant.
Une trentaine de voitures anciennes étaient
alignées. Voitures de mon enfance : 4CV, Dauphine, Caravelle, 404, et j’en passe. Juste
une petite parenthèse souriante.
C’est dit : je rentre chez moi.
Au premier carrefour, je lis : à droite, « Roquefort », « Abbaye de Sylvanès » (je ne sais plus combien de kms) à gauche.
Il va de soi que je suis allée à gauche.
J’avoue que c’est le rouge des coquelicots au
milieu du jaune des champs de colza qui a mis un terme à ma déception.
Pas bien grande, l’Abbaye de Sylvanès. Mais de
loin, j’en aperçois le cloître, et moi, j’aime les cloîtres. Il en dégage
douceur et apaisement.
J’entre. Un petit groupe chante.
Alléluuuhiaaaaa.
Je me faufile pour arriver jusqu’au cloître.
Du genre « vous ne m’avez pas vue, ni entendue… ».
Calme.
Sauf. Sauf une voix mélodieuse… soprano ?
soprano légère ? je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que j’ai poussé timidement
la porte du scriptorium et ai été accueillie par un « venez,
entrez ! »
Il y a des siècles, des abbesses et des moines
écrivaient et lisaient dans cette superbe salle voutée. Là, il y avait un
piano, un professeur et 3 de ses élèves. Chant lyrique.
Je suis restée à écouter les trois, chanter
tour à tour. Ces vocalises, qui me semblaient si stupides, ont pris là toute
leur importance. Commencer bas, puis doucement monter, et encore, et encore, et
soudain, se rendre compte que la voix prend de la puissance, de plus en plus,
et encore davantage, et toujours plus haut…! non, encore une note de plus, et
encore plus haut ! mais jusqu’où ? c’est impossible !
- tu te sens comment, là ?
- confortable
- vraiment ? mais tu crois que peux encore monter plus haut ?
- oui
- allez, on tente…
et l'une qui était soprano légère se retrouve colorature parce qu'elle a su respirer, se laisser aller, lâcher prise.
Un don du ciel.
Je suis restée là, sans voir le temps passer.
Juste écouter, fermer les yeux et resserrer mon écharpe autour de mes épaules…
écouter… avoir des frissons, sans avoir froid.
Quel cadeau.