dimanche

Chronique de la Saint-Pierre

"La Saint-Pierre".
C'est comme "La Saint-Louis", elle est incontournable...
Je me souviens, quand je suis arrivée à Sète, je n'avais dans mes "tablettes" que la Saint-Louis. 
Grossière erreur.

La Saint-Pierre.
Fête des Pêcheurs.
L'année dernière, une voisine m'avait téléphoné.. "ça t'intéresse une place sur un bateau ?" wow ! j'avais sauté sur l'occasion, bien sûr que ça m'intéresse !
Cette année, je ne voulais pas louper ça. Surtout pas.

J'ai demandé. Une place. Juste une place... mais... non. 
Alors, je me suis dit qu'après la cérémonie, j'irai à la Criée, et que là, je ferai mon plus beau sourire et qu'avec un peu de chance, on m'embarquerait sans "invitation".
A 23h, deux places me sont tombées du ciel. Vive les amis des amis de Facebook.
Tant pis pour la messe, tant pis pour la cérémonie, tant pis pour la procession... être en mer, pour la Saint Pierre, ça vaut bien plus que ça.
Mon bateau, un chalutier, est à quai, comme tous les autres. Au bout du bout du bout de la Criée. 
Il n'y a pas grand'monde à bord. Je regrette d'avoir reposé mon tee-shirt rayé bleu marine, par égard pour les marins. Il n'y a que des tee-shirts marins. Je fais presque tache.
"Mais ici, nous sommes une famille !"
J'attends une amie (la 2ème place), et elle ne vient pas. 
Je sympathise avec le Capitaine (était-ce le Capitaine ?), mon impatience l'amuse "ouh, on a le temps, heing, on n'a même pas encore entendu la fanfare...".
Je lui demande s'il y a un ordre de sortie pour les bateaux... (dans mon souvenir, c'était une belle "cohue", et le terme est faible). "Ben non, pourquoi faire ?"
Je suis sûre qu'il galèje.
Au bout d'un moment, fatigué de faire le planton à l'entrée, il me tend le paquet d'invitations et me demande de surveiller ceux qui veulent entrer. Du coup, j'en ai une bonne centaine dans les mains. Un comble.
J'attends, toujours pas d'amie. Toujours pas de fanfare. L'heure tourne.

Mon "capitaine" (je vais l'appeler comme ça, tant pis, je lui donne du galon) est tranquille. Il vaque. Rigole avec des amis. Regarde les porte-bonheurs mis dans une cache. Va piquer un peu de glace aux bières et autres Orangina, pour se rafraîchir la nuque... et voilà le défilé, la Procession.
Au son des tambours, trompettes, grosse caisse, flûtes, lentement, arrivent les "Saint-Pierre". 
Il y a deux statues, l'une plus grande que l'autre. Toutes deux posées sur des stèles, portées par des pêcheurs ou des jouteurs ou les deux. 
La grande a des glaïeuls rouges a ses pieds. L'autre, des glaïeuls bleus. Elles sont simples, mais magnifiées par ces fleurs.
Comme nous sommes au bout du bout du bout de la Criée, nous attendons. 
J'imagine les "Saint-Pierre" que l'on installe avec précaution dans le chalutier qui les emportera au large. 
Et voilà la fanfare ! Je comprends pourquoi il y avait de la place ! Les musiciens montent avec nous !

Saint-Pierre, entouré de ses glaïeuls rouges et bleus, part. Les élus et les prêtres qui ont célébré l'Office ne sont que des accessoires autour de lui. 
D'autres bateaux lui emboîtent le pas, puis nous... avec plus de difficulté... une tentative de demi-tour... non... alors, marche arrière... (j'ignore si c'est mon "capitaine" qui a fait la manoeuvre mais il manie mieux son chalutier que moi ma voiture, c'est clair !) et nous sortons du port, vite. Encadrés par la Sécurité Nationale. Il vaut mieux. Il y a plus, beaucoup plus que cinquante bateaux. 
Je regarde autour de moi, et il y en a partout. Des jet-skis (non, je sais, ce ne sont pas des bateaux), des "Zodiac", des bateaux à moteurs (petits et moins petits), des voiliers (toutes tailles confondues), des barcasses, nous, et de modestes pointus...  

Mon voisin m'explique l'histoire du Môle, le brise-lames... la mer, qui est dite de "Hong-Kong" parce qu'elle a une forte "houle" (il faut dire qu'avec le nombre que nous sommes, une pétole deviendrait chinoise !). 
La fanfare joue "When the Saints go marching in" et puis je ne sais plus quoi...
Je regarde l'océan, le Cimetière Marin, tous ces bateaux... un mélange de joie et de respect.
Nous nous arrêtons, près du "bateau de Saint-Pierre". 

Notre Maire a rendu hommage à nos marins, nos pêcheurs... que parfois la mer emporte. 
L'Evêque a prononcé quelques mots et a entamé un "Notre-Père... qui êtes aux cieux...". Une gerbe est lancée à la mer, des milliers de fleurs, roses et glaïeuls multicolores, l'ont accompagnée... tandis que la "Sonnerie aux Morts" retentissait.

J'écris ces lignes et l'émotion ressentie me submerge encore.
Je revois ces fleurs flotter à la surface le temps de cette "Sonnerie aux Morts". 
Un recueillement. Juste pour tous ces pêcheurs et autres marins partis... Juste pour eux.
La Marseillaise a repris le dessus et tous les bateaux ont actionné leurs cornes de brume.
Mes yeux ont pleuré. Comme maintenant.
C'est bête, hein ?
Tant pis.