samedi

Chronique d'une tempête


En ce lendemain de tempête, les feuilles mortes se ramassent à la pelle.

Hier, il n’y avait que les inconscients, les (vrais) photographes, et ceux qui ne POUVAIENT faire autrement, qui ont mis le nez dehors.
Tempête.
Déjà, dans la nuit, le tonnerre avait sérieusement grondé. Vraiment. Vraiment beaucoup. Du fin fond de ma chambre, pourtant très éloignée de la rue, et malgré le double vitrage, j’avais entendu quelques petites choses voler… pots de fleurs, panneaux d’interdiction de stationner (il y en a un temporaire devant mon immeuble), enfin, des broutilles, quoi.
Mais au chaud, sous ma couette… « demain serait un autre jour ».
Sauf que.
Sauf que quand je me suis levée et ai ouvert les volets, j’ai compris que la journée allait probablement être difficile.
Le vent ne s’est pas calmé. Loin s’en faut. Lui qui, normalement, est supposé faire son boulot –à savoir pousser les nuages- n’a rien fait. La pluie était là. Et bien là. Pas une bruine ou un crachin, ennuyeux certes, mais qu’un parapluie arrive à gérer. Non, la vraie, la grosse pluie, insistante et lourde. Pas de répit. Ou si peu que pas.

Les leçons de physique apprises l’année dernière m’ont poussée à rester chez moi. Si j’ai eu à un moment l’idée saugrenue de sortir voir « la » chose, les informations, les vidéos et autres photos de mes amis facebookiens m’en ont dissuadée.
Je peux être courageuse, mais ne suis pas téméraire.
L’eau a donc commencé à monter, monter, monter… et, pardon pour tous ceux qui ont eu leurs maisons inondées, mais j’arrive à le concevoir. Par contre, j’ai du mal à comprendre que le niveau de la mer monte à un tel point que les quais puissent se transformer en piscines à débordement. C’est la mer !
C’est beau une piscine à débordement, sauf que quand un chalutier –et/ou un thonier- (fond plat) se mettent davantage à flirter avec la rue qu’avec leur élément naturel, ça me dérange quelque peu.
Je ne suis donc pas sortie, me contentant de regarder photos et vidéos, les yeux écarquillés.
J’ai pensé à nos sauveteurs en mer qui à tous les coups ont dû sortir : il y a toujours quelqu’un qui se croit plus malin que les autres.
J’ai pensé à nos marins, ceux qui n’ont pas eu le temps de rentrer au port, malgré les prévisions météo, et qui se sont retrouvés dans la tourmente.
Cher payé le poisson.
Je suis restée au chaud, douillettement enveloppée dans ma couverture… mais ce matin, je n’ai pu m’empêcher de descendre sur les quais.
Les feuilles se ramassent à la pelle.
Le niveau de l’eau a baissé. Pas beaucoup. Mais il a baissé.
Le vent souffle. Il ne fait toujours pas son boulot. Les nuages sont restés. Quoique, quand je dis « nuages », c’est un euphémisme. Le ciel est un immense nuage. Gris. Désespérément gris et sombre.

Je suis allée au Môle. Les vagues se brisent contre la jetée, et partent en feux d’artifice. Contrairement à hier, elle n’arrivent pas à passer par dessus le brise-lames.
Les gabians (ndlr : grosses mouettes) restent imperturbables.
Il commence à pleuvoir.
La mer commence à lécher le quai.
Un chalutier part, emportant ses pêcheurs.
Le vent s’est levé, mais il leur faut tenter de vivre*.


*Je demande pardon à Paul Valéry pour avoir malmené sa poésie. 








mercredi

Chronique picturale -Epilogue-


J’avais promis une chronique sur les visiteurs. Il est temps.
Alors, s’il existe les « brèves de comptoir », je ferai les « brèves de musée » et pardon pour la succession des anecdotes.

Un monsieur entre dans la salle de l’exposition. 1ère salle.
- Où est la sortie ?
- …
- J’en ai vu assez !
Et de traverser le musée au pas de course.

Une guide –je le précise, pas celle du musée (très important) - encadrant un groupe de touristes :
- Vous voyez, ici, il y a de l’espace qui est vide, sans être vide, mais qui n’est pas vide.

- C’est vous qui êtes là pour la visite ?
- Non monsieur
- Ben vous servez à quoi, alors ?
- Je suis là pour surveiller les tableaux, monsieur
- Ben, vont pas partir, les tableaux ! vous servez à rien, alors !

Après un renseignement donné à un visiteur :
- Merci Mr Valéry.
- Mais je ne m’appelle pas Valéry
- Ben, c’est marqué sur votre polo…
(nous avons des polos avec le logo « Musée Paul Valéry »)

Dans le même esprit, nous avons eu un « merci Paul ».

Il faut savoir que les photos sont interdites pour l’exposition temporaire, les œuvres n’appartenant pas au Musée. Question de droits d’auteur, question de… peu importe, c’est interdit.
Donc, dans la série « excusez-moi, monsieur/madame, mais les photos sont interdites au 1er étage », nous avons :

- Je me prends en photo

- Je sais, mais en bas c’est marqué avec un appareil photo, mais pas avec un portable.

- Je ne prends pas de photo, je filme

- Je prends mes enfants, ce n’est pas marqué qu’on ne peut pas photographier ses enfants !

- A cause de vous, je n’ai pas pu prendre le tableau en entier !

- Je prends en photo mes enfants, c’est pour l’ambiance…

- Je ne prends pas en photo, c’est pour « agrandir ».

- C’est égoïste. C’est inadmissible !

- Mais puisque c’est la Journée du Patrimoine, les photos sont gratuites, non ?

- Il y a un arrêté préfectoral autorisant les photos.

Quelques petites choses aussi, concernant les enfants. Laissés en électrons libres… le musée étant au choix, la cour de l’école, un terrain de jeu (avec possibilité de jouer au ballon), ou un centre aéré.

- Mais alors, ici, chaque parent doit surveiller son enfant ?

- Mais j’ai payé !
- Madame, votre enfant hurle depuis 5 bonnes minutes. Relayez-vous, avec votre mari.
- C’est inadmissible ! J’AI PAYÉ !

et ce parent à qui on demandait de tenir son enfant (moins de 3 ans)
- Je n’ai pas pris ma laisse !
Là, j’avoue avoir trouvé la parade, en leur disant qu’ils avaient leurs épaules.

Bien entendu, nous suivons aussi les groupes des visites guidées. Outre le fait que des personnes puissent s’approcher des œuvres et ainsi les toucher, involontairement, nous évitons les « incrustes » car tout de même à 1€ la visite, qui dure une heure, c’est une ruine.
Chacun de nous avait sa technique. Pour ma part, en fonction du moment de l’incruste, je variais mon discours.
Au début de la visite, je demandais "s’ils voulaient en faire partie…"
Au milieu du circuit, c’était "vous verrez mieux quand le groupe sera parti"
Et à la fin, "qu’il y avait une vidéo, très bien faite, qui leur donnerait une idée de l’exposition".
Sachant que 70 œuvres étaient exposées, il y avait de quoi faire.

- Mais c’est la visite qui me suit.

- J’ai mal au genou, ça m’aide à comprendre.

- Mais si je ne parlais pas français, je ne comprendrais rien !

Et dans le même esprit…
Hochement de tête (je ne comprends pas ce que vous me dites).
Nous disons donc la même phrase en anglais.
Hochement de tête (je ne comprends pas ce que vous me dites)… « japonais ».
Et notre gardienne de dire une phrase en japonais… et le visiteur de répondre en français.


Nous avions donc un film. Une vidéo, comme je l’ai dit, fort bien faite –ce qui est étonnant- (même les enfants étaient intéressés –c’est tout de même une preuve !-) sous-titrée en anglais.

Un monsieur parlait très fort. Gênant.
- Pourriez-vous parler moins fort, s’il vous plaît ?
- Pourquoi ? puisqu’il y a des sous-titres.
- Certes, mais les sous-titres sont en anglais.
- Mais il y a des sous-titres !

Et puis en vrac…

Un monsieur qui avait enlevé ses chaussures (ce qui est courant, si si) et à qui nous demandions de les remettre.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est une question de correction, c’est normal.
- Mais qu’est ce que la « normalité » ? hein ? qu'est-ce que la normalité ?

- Ce sont des originaux ? (curieusement, cette question nous a été posée à de nombreuses reprises)

- Ils valent combien, les tableaux ? plus de 1000€ ?

- Elle est où, la Joconde ?

Une femme affolée..
- Vous avez vu Patrice ?
(j’avoue que je suis restée perplexe sur cette question, et encore plus de la tête de cette femme devant mon air ahuri)

Une femme bouleversée…
- Mais c’est moi, ce tableau !!!
(…heu…comment vous dire… le matin au réveil, peut-être ? et encore… -je n’ose mettre la photo du dit tableau-)

Ce monsieur ayant décidé de descendre au rez-de-chaussée du musée en glissant sur la rampe d’escalier…

- Madame, ne touchez pas aux tableaux, s’il vous plaît !
- Ah ben non ! mais je ne les touche pas tous, vous savez !

Enfin, nous avons eu quelques petites choses supplémentaires, dues à ce 1er dimanche du mois (le musée est gratuit –sauf l’exposition temporaire-, les magnifiques journées Paul Valéry (3 jours) cadrant avec la journée du Patrimoine. Notre record : 1500 personnes en ce beau dimanche ensoleillé.
Bien évidemment, outre notre fonction de surveillance, nous avons aussi celle de bureau de renseignement.
- L’exposition Miró, c’est par là, Madame, au 1er étage.
- Non, mais je veux faire pipi !
- Et bien, c’est pareil, c’est la même direction.
- Je veux faire pipi… et peut-être même caca !

Eh oui, le genre humain est très… « varié ». Je pense qu’il vaut mieux le voir ainsi.

J’ai quitté le musée, et suis partie en même temps que Miró. Etrangement, ça m’a fait bizarre de quitter ces toiles qui ne m’appartiennent pas. C’est comme ça.
Je resterai malgré tout avec la pensée de ces enfants dessinant par terre, refaisant les tableaux de Miró, avec plus ou moins de bonheur (mais après tout, j’en ai fait autant !) et leur imagination débordante.
J’ai aimé entendre ces titres :
« Le jongleur des étoiles »
« Le A qui danse »
ou « La danseuse dans les nuages ».

Ces chroniques sont dédiées à Juan et Juanita, deux oisillons nés le jour du vernissage.